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Documentation et preuve à l’appui des dépenses de RS et DE

Documentation et preuve à l’appui des dépenses de RS et DE

Résumé
8 minutes de lecture

Bal Katlai, directeur en fiscalité canadienne des sociétés chez MNP, nous explique ce que constituent un témoignage et des preuves d’admissibilité suffisantes à l’appui d’une demande de crédits d’impôt en RS et DE.

Cet article a été publié à l’origine sur le site de la Fondation canadienne de fiscalité et a été reproduit avec sa permission.

On trouve au paragraphe 248(1) la définition d’« activités de recherche scientifique et de développement expérimental » (RS et DE) à l’intention des sociétés canadiennes admissibles pouvant se prévaloir des crédits d’impôt afférents aux activités de RS et DE, crédits comptant parmi les plus lucratifs qui soient offerts. Dans l’arrêt fréquemment cité Northwest Hydraulic Consultants Ltd. (1998 CanLII 553 (CCI)), la CCI a énoncé cinq critères permettant d’établir le bien-fondé d’une demande de crédit d’impôt au titre des activités de RS et DE, notamment la capacité du contribuable de fournir la documentation appropriée et de présenter un témoignage ou des preuves de l’admissibilité de ses dépenses de RS et DE (au sens du paragraphe 37(1)). Un sujet moins souvent abordé et moins bien compris est ce qui constitue une preuve d’admissibilité suffisante à l’appui d’une demande de crédit d’impôt au titre des activités de RS et DE.

La Loi ne fournit aucune précision quant à la preuve d’admissibilité, et l’ARC donne peu d’indications à ce sujet; cela ne signifie cependant pas que cette preuve ne soit pas nécessaire. Dans l’affaire 6379249 Canada Inc. c. La Reine (2015 CCI 77), entendue sous le régime de la procédure générale, la CCI rappelle qu’en vertu de la Loi, « l’appelant [doit] prouver qu’il a effectué une investigation systématique pour dissiper une incertitude technologique dans l’intérêt du progrès technologique. »

Les tribunaux ont établi que le témoignage d’experts (possédant une formation scientifique ou technique) ou la documentation préparée par le contribuable, ses employés ou ses mandataires peut constituer une preuve. Pour ce qui est de la documentation, elle doit de préférence être actuelle – c’est-à-dire consignée au moment où le travail a réellement été réalisé – ce type de données présentant un maximum de crédibilité.

Les arrêts récents Concept Danat Inc. c. La Reine (2019 CCI 32) et Dock Edge + Inc. v. The Queen (2019 TCC 11) sont des rappels utiles de la nature de la preuve devant étayer des dépenses de RS et DE comme celles qui font l’objet de la demande dans l’affaire Northwest Hydraulic. Dans ces deux causes, les contribuables se sont vu refuser les dépenses de RS et DE qu’ils demandaient, la Cour ayant formulé des observations sur l’absence de preuve acceptable.

Dans le cas de Danat, la Cour a confirmé la cotisation initialement établie par le ministre selon laquelle était refusé au contribuable le crédit d’impôt d’environ 14 000 $ demandé au titre d’activités de RS et DE pour son année d’imposition 2015. La CCI a invoqué l’absence de documentation appropriée à l’appui des heures de travail que l’appelante considérait comme des dépenses admissibles; le nombre estimatif d’heures n’a pas été jugé acceptable. Cet énoncé est important, en particulier pour une entité disposant de ressources limitées qui tente d’estimer ses dépenses admissibles aux fins du calcul des crédits d’impôt afférents aux activités de RS et DE.

Dans le cas de Dock Edge, la CCI a rejeté la demande de crédits d’impôt d’environ 72 000 $ au titre des activités de RS et DE du contribuable pour son année d’imposition 2011. La Cour a fait remarquer l’absence de témoignage éclairé quant à ce qui était, et n’était pas, une pratique routinière ou une procédure standard relativement aux technologies sous-jacentes aux projets faisant l’objet des demandes de crédits :[TRADUCTION] Un progrès technologique est l’acquisition de nouvelles connaissances qui font progresser la compréhension générale. Aucun témoignage éclairé ni aucune preuve ne nous a confirmé que DEI avait fait avancer la compréhension générale, au-delà de l’avancement de ses propres connaissances particulières. Les questions de l’avocat de DEI à cet égard tendaient, comme nous l’avons vu plus tôt, à clarifier si les connaissances particulières à DEI avaient progressé grâce à ces différents projets, ce qui était indubitable dans chaque cas. DEI mérite des éloges pour son approche novatrice et son succès dans l’élaboration de produits commerciaux nouveaux ou améliorés.

La jurisprudence en matière de preuves pertinentes est mince. Le témoignage d’experts a été déterminant dans la preuve de l’admissibilité des dépenses du contribuable aux incitatifs fiscaux relatifs aux activités de RS et DE dans l’affaire CSIS EHR (Electronic Health Record) Inc. c. La Reine (2015 CCI 263).

Les décisions de la CCI tant dans Danat que dans Dock Edge ont mis en relief l’importance de la documentation. La clé du succès consiste à démontrer que la méthode scientifique a été respectée pendant la réalisation des travaux, afin qu’il puisse être établi qu’un essai a été effectué à partir d’une idée donnée (et d’un raisonnement scientifique ou technique justifiant le bien-fondé de cette idée). Lorsque l’un des aspects de cette approche échoue, une approche différente, reposant sur un autre raisonnement scientifique ou technique, est mise à l’essai. Faute d’une telle démarche fondée sur un raisonnement scientifique ou technique, le contribuable a perdu sa cause dans l’affaire Mac & Mac Hydrodemolition c. La Reine (2017 CCI 256). Ledit contribuable avait conservé un ensemble de notes manuscrites décrivant les divers paramètres ayant fait l’objet d’essais, mais en des termes vagues uniquement. Les notes contenaient très peu de détails sur les changements apportés et très peu de renseignements sur les résultats des essais. Fait intéressant, l’esprit du jugement rendu dans l’affaire Dock Edge s’apparente à celui de la décision Mac & Mac :[TRADUCTION] Seules quelques photographies de prototypes et trois pages de notes manuscrites prises par quelqu’un relativement à l’un des projets ont été déposées en preuve. Cela démontrait incontestablement qu’aucun compte rendu détaillé n’avait été conservé ni même tenu.

Soulignant le manque de preuve appropriée évoqué plus tôt, le juge, dans l’affaire CRL Engineering Ltd. c. La Reine (2019 CCI 65) a donné raison au contribuable, déclarant :

Le témoin de l’appelante a expliqué que [TRADUCTION] « des instantanés du système ont été enregistrés chaque semaine et conservés dans un répertoire de documents » qui était accessible et régulièrement consulté. Il a aussi affirmé qu’un « wiki » a été utilisé pour [TRADUCTION] « consigner les données, méthodes, questions et résultats ». Les éléments de preuve documentaire, notamment les pièces A­1 et A­3, appuyaient le témoignage de M. Paranjape sur cette question. [M. Paranjape avait été reconnu comme témoin expert.]

L’arrêt RIS-Christie Ltd. c. Canada (1998 CanLII 8876 (CAF)) fait apparaître une lueur d’espoir pour les contribuables, puisqu’il y est confirmé qu’un contribuable peut ne pas être tenu de produire une preuve documentaire s’il a déjà démontré l’existence d’une incertitude technologique et d’un avancement correspondant. Dans cette affaire, la Cour libère le contribuable du fardeau de produire des preuves relatives aux essais lorsque l’avancement technologique a été établi. Toutefois, compte tenu de la récente insistance des tribunaux sur la documentation et la preuve et des éclaircissements fournis sur la question, l’on ne saurait dire avec certitude si une issue positive semblable à celle de l’affaire RIS-Christie est probable. Quoi qu’il en soit, le risque de perdre de généreux crédits d’impôt afférents aux activités de RS et DE n’en vaut peut-être pas la peine.

Pour en savoir plus, communiquez avec Balaji Katlai, directeur, Fiscalité canadienne à l’intention des sociétés, au 514.228.7858 ou à[email protected]. Vous pouvez lire et commenter cet article dans leBulletin de juillet 2019 de la FCF.

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