Couple souriant mature assis et discutant de l'immobilier à la maison

Planification successorale et citoyenneté américaine

Planification successorale et citoyenneté américaine

Résumé
4 minutes de lecture

Il n’est pas rare de voir un couple où l’un des époux est citoyen américain. Prenons soin de bien connaître les enjeux de nature fiscale qui émanent de cette alliance.

Voyons l’exemple de Pierre et de son épouse Cathy afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la planification successorale quand l’un des conjoints a la citoyenneté américaine.

Pierre, chirurgien de métier, est né et a grandi au Canada. Il a rencontré Cathy, une citoyenne américaine, il y a de cela 40 ans pendant qu’il terminait sa résidence à New York. Cathy a déménagé au Canada et a épousé Pierre. Les deux enfants de Pierre et Cathy vivent au Canada et ont la double citoyenneté. Pierre, maintenant à la retraite, a accumulé au long de sa carrière une importante fortune, qui s’élève autour de 21,3 M$. L’avoir net de Cathy, enseignante à la retraite, est de 600 000 $. Leurs bilans personnels comprennent les éléments suivants (sauf indication contraire, les montants ci-dessous sont exprimés en dollars canadiens) :

Pierre
Placements non enregistrés $500 000 
REER $300 000 
Actions d’une société de portefeuille (100 %) $18 000 000
Copropriété en Floride (100 %) $2 000 000
Maison au Québec (50 %) $500 000
Total $21 300 000

 

Cathy
REER $100 000
Maison au Québec (50 %) $500 000
Total $600 000

 

En tant que citoyens américains, Cathy et ses enfants sont assujettis à l’impôt sur le revenu et sur les transferts (p. ex., succession, don, impôt sur les transferts qui sautent une génération), même s’ils ne résident pas aux États-Unis. Ainsi, ils devront respecter les systèmes d’imposition au Canada et aux États-Unis sur leurs revenus et leurs actifs internationaux.

Inquiet de sa planification successorale, Pierre communique avec son comptable pour discuter de ses options afin de réduire l’exposition aux droits successoraux américains pour lui et sa conjointe. Les sujets suivants ont été abordés :

1. Comprendre l’incidence de la fiscalité américaine et canadienne au décès

  • Supposons que Pierre décède en premier. Sur le plan fiscal canadien, Pierre sera réputé avoir disposé de l’ensemble de ses actions à la juste valeur marchande. Un report de l’impôt à payer au décès de Pierre peut être obtenu advenant la présence d’un époux survivant/une épouse survivante; dans ce cas-ci, Cathy. Les actifs de Pierre sont transférés à Cathy au coût d’acquisition, ce qui entraîne comme voulu un report de l’impôt généré par la disposition réputée jusqu’au décès de Cathy. Selon ces modalités, la valeur fiscale de l’actif est transférée à l’époux survivant/l’épouse survivante.
  • Sur le plan fiscal américain, les citoyens et résidents américains sont assujettis à l’impôt sur le revenu américain sur la valeur brute du total de leurs biens dans le monde, elle-même assujettie à une exemption pour droits successoraux américains qui s’élève présentement à 12,92 M$ US. Une personne est réputée résidente des États-Unis, aux fins des droits successoraux américains, si elle a l’intention de demeurer aux États-Unis pour une période non déterminée. Les particuliers qui ne sont ni citoyen ni résident américain peuvent également être assujettis aux droits successoraux américains s’ils détiennent des actifs situés aux États-Unis à leur décès et que la juste valeur marchande de leurs biens immobiliers dans le monde est supérieure à l’exemption pour droits successoraux américains en vigueur au moment du décès. Si Pierre décède en premier, il serait normalement assujetti aux droits successoraux américains sur la valeur du logement en copropriété en Floride, étant donné que sa valeur nette est supérieure à l’exemption actuelle de 12,92 M$. Notez que les titres de sociétés américaines détenus par Pierre dans ses comptes enregistrés et non enregistrés l’exposeraient également aux droits successoraux américains. Cependant, comme Cathy est citoyenne américaine, et en supposant qu’elle hériterait des actifs situés aux États-Unis de Pierre, la succession de Pierre pourrait demander un report des droits successoraux américains jusqu’à son décès. S’il advient que Pierre décède après Cathy et qu’il possède toujours la copropriété en Floride à ce moment, il sera assujetti à des droits successoraux américains totalisant environ 80 000 $ US, et le montant à payer pourrait même être plus élevé si l’exemption est réduite en vertu des dispositions de temporisation.
  • En outre, si les actifs de Pierre sont transférés directement à Cathy conformément aux modalités de son testament, l’avoir net de celle-ci augmentera de 21,3 M$. En tant que citoyenne américaine, elle serait assujettie aux droits successoraux américains sur la juste valeur de ses biens dans le monde, et non seulement ceux situés aux États-Unis comme dans le cas de Pierre. Ainsi, la succession de Cathy serait assujettie à environ 1,4 M$ US en droits successoraux américains en vertu de l’exemption actuelle et des hypothèses (ou un montant estimatif de 3,7 M$ US si l’exemption actuelle est réduite après 2025 en vertu des dispositions de temporisation).

Solutions potentielles:

  • L’objectif principal de Pierre et de Cathy est de réduire au minimum leur impôt au décès. Du point de vue des droits successoraux américains, Cathy assume une plus grande responsabilité si Pierre décède en premier et qu’aucune planification successorale supplémentaire n’a été faite.
    • À cette fin, Pierre pourrait mettre à jour son testament pour distribuer une partie ou la totalité de sa succession à Cathy directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie de conjoint au bénéfice exclusif de Cathy. Les actifs détenus en fiducie seraient exclus de l’actif brut de Cathy, pourvu qu’elle participe de façon suffisamment limitée aux décisions portant sur la distribution du capital fiduciaire. La fiducie de conjoint offrirait à Cathy la flexibilité et les fonds nécessaires pour maintenir son train de vie actuel, tout en se protégeant contre les droits successoraux.
    • Pierre pourrait aussi songer à se munir d’une assurance-vie qui servirait à financer l’impôt à payer, en plus de rééquilibrer ses portefeuilles de placement qui détiennent des titres de sociétés américaines, ou encore vendre son logement en copropriété en Floride ou en réorganiser la propriété.
      • Au moment de restructurer la propriété d’un bien immobilier aux États-Unis, une attention particulière doit être portée à l’impôt sur le revenu américain et canadien, l’impôt américain sur les dons, l’approbation du prêteur et les droits de cession immobilière/droits de mutation immobilière.
    • Des procédures de tutelle aux États-Unis en cas d’invalidité et un processus d’homologation doivent également être pris en considération au moment de faire l’acquisition ou d’organiser la structure de propriété d’un bien immobilier aux États-Unis. Ces deux démarches peuvent s’avérer coûteuses et longues.

2. Actions de sociétés canadiennes et impôt américain

  • Si Cathy hérite, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie de conjoint, des actions de la société canadienne, elle s’exposerait aux règles complexes et coûteuses régissant les sociétés étrangères contrôlées aux États-Unis (Controlled Foreign Corporation), plus couramment connues comme les régimes Subpart F et GILTI. En vertu de ces règles, Cathy doit, à titre de citoyenne américaine, inclure dans son revenu une portion des bénéfices de la société canadienne, même si la société n’a effectué aucune distribution. Sans planification fiscale appropriée, Cathy pourrait s’exposer à une double imposition.
  • Un risque d’impôt sur le revenu américain supplémentaire existe pour Cathy (et potentiellement les enfants) si une planification post mortem canadienne traditionnelle (notamment la « technique du pipeline ») est mise en œuvre pour la succession de Pierre, sans tenir compte des enjeux fiscaux américains.

Solutions potentielles:

  • La société de portefeuille pourrait être convertie en société à responsabilité illimitée. La continuité des activités et la conversion n’ont aucune incidence fiscale au Canada. Une société à responsabilité illimitée qui compte un seul propriétaire est considérée comme une « entité ignorée » aux fins de l’impôt américain. Les règles sur les sociétés étrangères contrôlées ne s’appliquent pas aux sociétés à responsabilité illimitée, ce qui élimine tout risque de double imposition. Cependant, les calendriers de la continuité et de la conversion doivent être planifiés minutieusement.

 3. Autres points à considérer

  • Une planification pour les enfants doit être envisagée. Par exemple, s’ils héritent des actifs de Pierre par l’intermédiaire de fiducies testamentaires, celles-ci doivent être rédigées convenablement afin d’éviter toute exposition à l’impôt sur les fiducies à capitalisation en vertu des règles relatives à l’impôt sur le revenu des États-Unis (communément appelées « throwback rules»). L’impôt sur le revenu accumulé pourrait assujettir les enfants à un impôt américain dit punitif sur certaines distributions de la fiducie, même si le revenu a déjà été imposé au Canada.
  • Pierre a mentionné de son vivant qu’il était intéressé par un gel successoral en vue de réduire l’impôt canadien à verser à son décès. Une telle stratégie pourrait être mise en œuvre, mais le gel successoral devrait également comprendre une planification fiscale américaine afin de limiter l’impôt américain que devront payer Cathy et les enfants en tant que bénéficiaires de la nouvelle fiducie familiale.
  • La planification successorale pourrait être grandement simplifiée si Cathy et/ou les enfants renonçaient à leur citoyenneté américaine. Le cas échéant, les États-Unis appliquent une taxe d’expatriation, ainsi qu’un impôt spécial sur les dons ou les legs.

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Pour vous assurer de connaître toutes vos options, et pour en apprendre davantage sur la planification successorale, communiquez avec un conseiller en fiscalité de MNP dès aujourd’hui.

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