Vue sur les terres agricoles

Que peut faire le secteur agricole pour bien se préparer aux tarifs douaniers et à l’incertitude sur les marchés?

Que peut faire le secteur agricole pour bien se préparer aux tarifs douaniers et à l’incertitude sur les marchés?

Résumé
5 minutes de lecture

Les entreprises du secteur agricole suivent attentivement l’évolution des tarifs douaniers, des guerres commerciales et des soubresauts du marché. Toutefois, grâce à de bonnes stratégies, comme la gestion du risque, la planification financière et la résilience opérationnelle, elles peuvent s’adapter et prospérer en utilisant les programmes d’assurance et en optimisant leurs techniques d’agronomie. Découvrez des mesures concrètes qui les aideront à composer avec l’incertitude.

En agriculture, l’incertitude est une constante : changement soudain des conditions météorologiques, baisse des prix des produits de base, perturbation de la chaîne d’approvisionnement… Mais depuis peu, les défis semblent plus complexes. Les tensions géopolitiques, les guerres commerciales et la menace de tarifs douaniers accentuent les risques d’un secteur déjà marqué par l’imprévisibilité. Pour un grand nombre d’éleveurs, de producteurs agricoles et d’entreprises agroalimentaires, il ne s’agit pas de simplement survivre, mais de prospérer. Le secret? La préparation!

Vous avez peu de prise sur les tendances et enjeux mondiaux qui façonnent le secteur, mais vous pouvez décider comment vous gérerez la situation. La planification stratégique, la gestion du risque et la résilience opérationnelle sont indispensables si vous voulez composer avec ces incertitudes et assurer votre croissance à long terme.   

Menace tarifaire : qu’est-ce qui attend le secteur agricole?  

Les tarifs douaniers ne datent pas d’hier, mais leurs répercussions sur l’agriculture se sont considérablement accentuées. La montée des tensions commerciales, en particulier entre de grandes économies comme les États-Unis et la Chine, se répercute partout dans le monde. Pour les producteurs canadiens, le marché américain reste une destination d’exportation cruciale. Bien qu’il ne soit pas leur seul marché, il occupe une place prépondérante. Or, on le sait, il est risqué de ne compter que sur un seul marché. On fait souvent l’éloge de la diversification, mais elle ne se fait pas en un claquement de doigts. Percer de nouveaux marchés est un travail de longue haleine. Parallèlement, les producteurs doivent jongler avec la fluctuation des prix, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les volte-face concernant les politiques commerciales.

La clé consiste à comprendre et à gérer le risque. Un agriculteur ne sème pas ses champs sans avoir d’abord évalué le marché et les fluctuations des cours. Dans la même logique, les entreprises agroalimentaires ne peuvent faire l’impasse sur une solide stratégie de gestion du risque. Elles doivent prendre la mesure de leur résilience financière, réfléchir aux produits d’assurance et utiliser des outils comme la modélisation financière pour anticiper les défis potentiels.       

Bien jouer ses cartes : se concentrer sur ce qu’on peut contrôler

Les producteurs savent bien que l’imprévisibilité est une constante et qu’ils sont souvent à la merci de facteurs indépendants de leur volonté. Mais comme le dit un vieil adage, on ne choisit pas les cartes qu’on reçoit, mais on peut choisir comment les jouer.

Ce conseil est particulièrement judicieux dans un contexte de guerre tarifaire et commerciale. Il vous est impossible de prédire l’issue des négociations internationales, mais vous pouvez agir pour en atténuer les répercussions sur vos activités. La modélisation financière est un outil efficace à cet égard. En envisageant divers scénarios (p. ex., une chute soudaine des prix des produits de base ou l’imposition de tarifs douaniers), vous aurez une meilleure idée de leurs effets potentiels sur votre rentabilité. En anticipant les problèmes, vous pourrez prendre des décisions éclairées, qu’il s’agisse de modifier vos choix de cultures, d’explorer de nouveaux marchés ou de souscrire une assurance pour vous protéger contre la volatilité des prix. Vous pouvez également bonifier cette approche en élaborant une structure d’endettement judicieuse qui vous donne une marge de manœuvre et consolide vos assises durant des périodes de bouleversements.  

L’assurance n’est pas non plus à négliger au chapitre de la gestion du risque. Les programmes comme Agri-stabilité, l’assurance-récolte, l’assurance contre la grêle et le programme d’assurance des prix du bétail dans l’Ouest offrent aux producteurs un filet de sécurité en cas de perturbation du marché. Si, par exemple, les tarifs douaniers font chuter les prix du bétail, les éleveurs peuvent utiliser l’assurance des prix du bétail pour compenser ces baisses. Dans le même ordre d’idées, l’assurance-récolte peut offrir une marge de manœuvre par rapport aux aléas environnementaux (sécheresse, faune, incendie, insectes, etc.), les conditions météorologiques étant le risque le plus important dans la plupart des cas. Il est essentiel de connaître vos recours et d’agir avant la crise.   

L’importance d’un solide bilan financier

En période d’incertitude, il est plus important que jamais d’afficher un solide bilan financier. Considérez-le comme les fondations de votre maison : si celles-ci sont solides, la structure pourra résister aux tempêtes les plus violentes. Dans le cas des entreprises agroalimentaires, cette solidité financière repose sur le maintien d’un fonds de roulement sain, la gestion prudente de l’endettement, une structuration appropriée de la dette et des rapports financiers conformes aux exigences.

Le fonds de roulement et le ratio du fonds de roulement par rapport aux dépenses sont des indicateurs déterminants. Ils représentent les liquidités disponibles pour couvrir les dépenses à court terme; un ratio sain entre le fonds de roulement et les dépenses offre un coussin qui s’avère déterminant lorsque les conditions du marché se détériorent. Si, par exemple, un producteur a un fonds de roulement suffisant pour couvrir six mois de dépenses, il sera en meilleure posture pour absorber une baisse soudaine des prix des produits de base ou une hausse imprévue des coûts des intrants.

Autre considération essentielle : la gestion de la dette. Si l’endettement peut être un outil utile pour la croissance, il peut devenir pernicieux s’il n’est pas rigoureusement géré. Une bonne pratique consiste à adopter une structure de dette modulable qui vous permet de vous adapter à l’évolution de la situation financière et commerciale. Pour ce faire, il vous faudra peut-être revoir votre dette à long et à court terme. Une entreprise ayant des difficultés de trésorerie pourrait envisager de consolider ses dettes ou de négocier des modalités de remboursement plus longues, d’optimiser ses marges de crédit d’exploitation en fonction de ses besoins réels ou d’obtenir des marges de crédit ou des comptes fournisseurs qui permettent d’accéder à des liquidités supplémentaires.

Résilience opérationnelle

Si la planification financière est essentielle, elle n’est qu’une pièce du casse-tête. La résilience opérationnelle, notamment en agronomie, est tout aussi importante. En effet, l’agronomie peut permettre d’optimiser le rendement des cultures, de gérer le coût des intrants et de réduire la vulnérabilité aux bouleversements externes. Par exemple, les technologies d’agriculture de précision peuvent aider les producteurs à prendre des décisions en matière de plantation, de fertilisation et d’irrigation fondées sur des données et donc à faire une utilisation plus rationnelle de leurs ressources.

Il en va de même pour les éleveurs qui privilégient la santé et la nutrition animales afin de maximiser leur productivité et leur efficience. Cette approche est particulièrement importante quand le prix de la moulée fluctue et que la disponibilité de l’eau est restreinte, des phénomènes de plus en plus courants depuis quelques années.

Le rôle de la planification des flux de trésorerie

La planification des flux de trésorerie constitue un autre volet important de la gestion du risque. En agriculture, les revenus sont souvent saisonniers et les dépenses, imprévisibles. Il est donc essentiel de maintenir un flux de trésorerie sain. Une bonne planification exige non seulement de faire un suivi rigoureux des revenus et des dépenses, mais aussi d’anticiper les besoins futurs en liquidités et d’élaborer des stratégies en conséquence.

Ainsi, un producteur agricole qui prévoit acheter des semences et de l’engrais au printemps pourra veiller à se doter des fonds ou du crédit nécessaires pour couvrir ces dépenses. Si vous prévoyez une baisse des prix pour les produits de base ou des interruptions du marché, vous pouvez prendre des mesures pour gérer les prix ou obtenir du financement afin de combler l’écart.

La planification des flux de trésorerie suppose également de comprendre et de planifier le calendrier des revenus et des dépenses. Vous voulez repérer les moments où la demande en liquidités est la plus élevée et veiller à avoir les revenus, les fonds ou le crédit nécessaire pour atteindre vos objectifs d’affaires. Vous gardez ainsi la mainmise sur vos affaires au lieu de laisser des problèmes de liquidités vous forcer à prendre des décisions non optimales, comme vendre ou acheter à des moments inopportuns. Faute de planification, vous pourriez manquer de liquidités à un moment critique et devoir vendre une partie de vos stocks. En déterminant à l’avance les moments où vos besoins en liquidités seront les plus élevés, en vous dotant d’une stratégie de gestion de la trésorerie et en obtenant le bon financement, vous pouvez prendre des décisions d’affaires éclairées et éviter les compromis inutiles. D’autres outils sont à votre disposition, comme le Programme de paiements anticipés du gouvernement fédéral, qui offre des prêts sans intérêt d’un maximum de 250 000 $ pour aider les agriculteurs à gérer leur flux de trésorerie au fil des saisons.

Préparer l’avenir

Les entreprises du secteur agricole devront surmonter plusieurs défis dans les prochains mois et années, mais elles auront aussi de belles occasions à saisir. La demande mondiale en protéines ne cesse d’augmenter en raison de la croissance démographique, des changements dans les préférences alimentaires et de la sensibilisation aux bienfaits des protéines sur la santé. Tant les éleveurs que les agriculteurs ont l’occasion de tirer profit de cette demande accrue. 

Les producteurs doivent toutefois se préparer à des obstacles potentiels : barrières commerciales, volatilité des marchés, conséquences des sécheresses et raréfaction de l’eau. En privilégiant la gestion du risque, la planification financière et la résilience opérationnelle, ils pourront surmonter ces défis et saisir les occasions qui s’offriront à eux. Devant les tarifs douaniers, l’instabilité du marché et l’incertitude géopolitique, les entreprises du secteur agricole doivent faire porter leurs efforts sur ce qu’elles peuvent contrôler. Autrement dit, elles doivent adopter une approche préventive de la gestion du risque, maintenir un solide bilan financier et optimiser leur efficience opérationnelle. Ces mesures les aideront à s’adapter dans une ère d’incertitude croissante.

Marie-France Bergevin , CPA auditrice, LL.M.Fisc.

Associée

450-859-4300

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