Représentation abstraite de la santé mentale, découpée dans une tête, sur fond de ciel et de soleil brillant à travers une forme de puzzle.

Plaidoyer pour une culture d’entreprise qui prend la santé mentale au sérieux

Plaidoyer pour une culture d’entreprise qui prend la santé mentale au sérieux

Résumé
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De plus en plus, les directions voient le bien-être non comme un bénéfice, mais comme le fondement de la culture organisationnelle. Cet article s’intéresse aux façons dont les organisations intègrent le souci de la bonne santé mentale dans le quotidien du personnel. Il propose des moyens concrets de susciter le dépassement en prenant d’abord soin des gens et en créant, pour les équipes, des conditions d’épanouissement, d’adaptation et de réussite.

Peu à peu, les milieux de travail ont fini par prendre la santé mentale au sérieux. Hier encore, les initiatives à ce propos se limitaient à annoncer sur le babillard des activités de yoga à l’heure du lunch ou un atelier occasionnel sur la pleine conscience. Les choses ont bien changé. Le personnel veut désormais savoir dans quelle mesure ses tâches contribuent ou nuisent à sa bonne santé mentale. Les employeurs, eux, s’aperçoivent que les actions du personnel pour prendre soin de sa santé mentale, loin de nuire à ses réalisations, sont des réalisations.

On assiste donc à la redéfinition de la notion de bien-être, conçu non plus comme un programme autonome, mais comme le fondement d’une culture.

Pour bâtir une équipe ultraperformante, la meilleure des stratégies ne suffira jamais à elle seule. Le bien-être mental, la confiance et l’engagement sont tout aussi vitaux et même, souvent, là où commence le vrai travail. Profond, le changement observé introduit des manières de fonctionner qui rendent les personnes plus heureuses et plus productives, plus longtemps.

Pourquoi ce changement? Et pourquoi maintenant?

Plusieurs forces concourent à la valorisation croissante de la bonne santé mentale au travail. La pandémie nous a fait entrer dans une nouvelle ère de vulnérabilité et d’adaptativité. Dans bien des entreprises, pour la première fois, le personnel a parlé à cœur ouvert de stress, d’épuisement et de limites en s’attendant à ce que la direction écoute activement.

Les attentes générationnelles changent aussi. Pour le personnel, la présence au bureau et la productivité ne sont plus indissociables. L’adaptativité des horaires, l’authenticité des rapports et la sécurité psychologique sont pour lui des besoins fondamentaux, pas de simples incitatifs.

Des données recueillies au Canada et ailleurs tendent à confirmer qu’il n’y a plus de temps à perdre. En 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) calculait que la dépression et l’anxiété faisaient perdre à l’économie mondiale 12 milliards de journées de travail chaque année, ou l’équivalent de 1 000 G$ US en perte de productivité. Rien qu’au Canada, les pertes de productivité annuelles liées à la santé mentale se chiffrent à 51 G$, selon l’organisme Depression Hurts. Et quelle forme d’invalidité professionnelle connaît la plus forte croissance? La mauvaise santé mentale, nous dit le Conseil canadien de la sécurité.

L’enjeu dépasse de loin la productivité. Les entreprises doivent intégrer le souci de la santé mentale à leur culture. C’est vital pour le bien-être de leurs employés autant que pour la bonne marche des affaires et les retombées positives à long terme.

La culture en action : que se passe-t-il quand on tient compte de la santé mentale?

C’est facile pour une entreprise de présenter la santé mentale comme une valeur, mais concrètement, au travail, que se passe-t-il? Intégrer la santé mentale au quotidien du personnel n’est pas une question d’affiches au babillard ou d’applications pour les téléphones. Le but est de créer un environnement où les gens se sentent vus, soutenus et assez en sécurité pour tout donner. Une telle culture est une construction de chaque instant et repose sur quatre piliers.

  1. Une direction qui donne l’exemple

Dans une culture axée sur le bien-être, les membres de la direction donnent l’exemple. Quand ils adoptent des comportements sains, parlent ouvertement de santé mentale et normalisent le besoin d’aide, ils tracent la voie à suivre pour les autres. Mais il ne suffit pas d’échanger des témoignages ou d’encourager chaque personne à prendre du temps pour soi. La direction doit intégrer de la bienveillance à ses façons de conduire les réunions, de prendre des décisions et de commenter le travail des subalternes. En somme, si la direction l’incarne, une culture professionnelle saura s’implanter.

  1. Des conflits désamorcés et des communications franches, toujours

La sécurité psychologique ne naît pas d’une seule conversation ni de l’évitement des sujets difficiles, mais de la répétition quotidienne de petits gestes. La façon de gérer les désaccords dans une équipe, d’émettre des commentaires, de ne pas céder à la rigidité. La confiance peut fleurir quand les sujets délicats sont abordés avec empathie, transparence et curiosité. À son tour, cette confiance alimente la volonté du personnel d’en faire un peu plus, elle renforce l’esprit d’équipe et contribue à la rétention des gens de talent. Les équipes qui se dotent de normes de gestion des conflits et de communication créent des milieux où chaque personne se sent à l’aise de contribuer pleinement, même quand elle n’a pas toutes les réponses.

  1. Des pratiques inclusives calquées sur le réel

Les besoins des employés varient d’une personne à l’autre, façonnés par l’identité, les capacités physiques ou l’histoire personnelle. Les gens vivant avec un trauma, un profil neurodivergent ou un handicap, fût-il invisible, doivent sentir que la culture de bienveillance est inclusive.

L’instauration de pratiques inclusives de santé mentale passe par la mise au point de systèmes – évaluations du rendement, recrutement, accueil et intégration des nouveaux employés – qui reconnaissent l’existence de différents besoins sans exiger d’une personne qu’elle dévoile des détails personnels pour obtenir de l’aide. Par exemple, des horaires souples, des manières différentes de suivre des formations et de recevoir ses communications, des espaces de travail silencieux ou des avantages qui offrent aux employés la flexibilité de choisir comment obtenir de l’aide.

Le langage employé compte aussi. Il convient de parler d’une manière simple, respectueuse et claire, en s’abstenant d’employer des mots ou des expressions par lesquels des gens peuvent se sentir visés ou exclus.

  1. Des systèmes qui cadrent avec les valeurs phares

Si les valeurs donnent le ton, ce sont les systèmes qui les soutiennent qui donnent sa substance à une culture. De l’accueil des nouveaux employés à l’au revoir de ceux qui partent, des plans de retour au travail aux entretiens de départ, chaque système est une occasion de renforcer la bonne entente. Par exemple, même le formulaire de rapport d’un incident de sécurité peut aller plus loin que la simple consignation des faits. Il peut servir à noter les effets psychologiques en plus des effets physiques, au bénéfice des besoins immédiats de la ou des personnes touchées comme de leur bien-être à long terme.

Bien faire les choses, c’est payant

Investir dans la santé mentale, ce n’est pas seulement dans l’intérêt des gens; c’est aussi bon pour les affaires. Les statistiques ne mentent pas. Dans l’ensemble, selon l’OMS, chaque dollar dépensé en prévention peut éviter jusqu’à 13 $ de pertes de revenus et de dommages.

Et le gain n’est pas que financier; il est aussi culturel. En général, les organisations qui priorisent le bien-être y gagnent sur plusieurs fronts, comme la rétention du personnel, l’engagement et l’esprit d’équipe. Les gens restent là où ils s’estiment soutenus et sont la meilleure version d’eux-mêmes quand ils sentent que leur bien-être est prioritaire.

La clé, pour les entreprises, c’est de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Elles n’ont pas besoin de créer des dizaines de programmes. Pour faire les plus grands gains, il suffit souvent d’harmoniser ce qui existe déjà avec les besoins concrets du personnel : souplesse des politiques, formation des cadres, temps de repos, modes de communication attentionnés.

En insérant petit à petit la santé mentale dans le quotidien du personnel, une entreprise envoie un message fort : le bien-être et la performance ne sont pas en concurrence. Au contraire, l’un et l’autre sont étroitement liés. Et quand les choses sont bien faites, l’entreprise y gagne à tous les échelons.

Transformer une culture : l’affaire de tous

La santé mentale et le bien-être n’apparaissent pas d’eux-mêmes. Il faut les faire advenir ensemble, et chaque personne peut y contribuer.

La responsabilité des organisations est de poser les fondations par des politiques inclusives, des ressources pratiques et des systèmes sensibles aux circonstances. La direction donne le ton en offrant aux autres de la sécurité psychologique. Chaque jour, les équipes créent ensemble la culture souhaitée par de petits gestes, tandis que chacun se responsabilise face à son bien-être.

Précisons-le : créer ensemble, ce n’est pas tout soumettre à un vote. C’est ouvrir un espace où les personnes peuvent exprimer qui elles sont, c’est les écouter avec générosité, c’est imaginer des solutions qui partent de leurs besoins réels. Pour qu’une telle approche fonctionne, le milieu de travail doit disposer de systèmes – politiques, structures, ressources – étoffés, qui prédisposent le personnel à participer et rendent la direction redevable devant lui. Aucune révolution culturelle n’est nécessaire pour que ce genre de leadership partagé infuse les activités quotidiennes. Bien souvent, la confiance générale finit par l’emporter grâce à la répétition constante de petits gestes.

Voici à quoi peut ressembler la création commune d’une culture :

  • Consulter le personnel avant de lancer une initiative.
  • Repenser un programme pour tenir compte des critiques franches à son endroit.
  • Inviter un petit groupe à se prononcer sur un projet pilote avant de le déployer dans toute l’organisation.
  • Prendre souvent le pouls d’une équipe pour savoir ce qui fonctionne, mais aussi ce qui manque.

L’approche de création commune suppose aussi que la direction réfléchisse bien avant de choisir avec quels outils et sous quelles formes communiquer avec le personnel. S’il s’agit de prendre le pouls d’une équipe, par exemple, une réunion par visioconférence conviendra sans doute aux employés qui travaillent à distance, mais que diront ceux qui sont sur place? Si elle sait marier les bons outils aux bonnes occasions, une organisation contribuera à souder ses troupes au quotidien.

Voyant que leur avis compte vraiment dans la réflexion en amont des décisions, le personnel agira en conséquence. Il s’investira davantage et prendra les choses plus à cœur – avec, à la clé, de meilleurs programmes et une culture plus durable et plus sensible.

L’approche de création commune encourage les organisations à suivre le rythme du changement. Mais les besoins à combler pour se sentir bien évoluent, et ce qui aide le personnel aujourd’hui pourrait devenir superflu demain. Si elles gardent ouvert le dialogue et agissent en amont des problèmes, les organisations peuvent se bâtir une culture qui se développe avec ses gens, et pas seulement autour d’eux.

Progresser pour vrai, ça ressemble à quoi?

L’intégration des questions de santé mentale à la culture est un marathon, et chacune des organisations participantes a sa lignée d’arrivée. La mesure du progrès n’est pas qu’une affaire de politiques; la façon dont les gens se sentent, interagissent et s’investissent au travail compte aussi. Pas deux organisations ne vont franchir la même distance au même rythme, mais certains signes de progrès ont quelque chose d’universel :

  • La direction et le personnel sont tous les deux à l’aise d’aborder des sujets délicats.
  • Le personnel prend la parole sans en craindre les conséquences.
  • La direction, les équipes, le personnel, bref, tout le monde doit rendre des comptes parce que la sécurité psychologique au travail est une responsabilité partagée.
  • Les équipes en donnent plus sans qu’on doive leur demander.
  • L’organisation retient mieux ses talents et en attire plus de nouveaux.
  • Les limites de chaque personne sont respectées, y compris le temps de déconnexion et de recharge dont elle a besoin.
  • Les gens n’hésitent pas à demander de l’aide et savent auprès de qui le faire.
  • Loin d’être de purs énoncés théoriques, les systèmes en place peuvent s’adapter aux besoins réels.
  • Le souci du bien-être est une préoccupation quotidienne, pas une arrière-pensée.

Aucun de ces progrès ne survient d’un claquement de doigts, mais tous se produisent en présence de stabilité, d’intérêt et de bienveillance. Quand les comportements de la direction, les standards des équipes et les décisions d’affaires reflètent les mêmes valeurs, la culture évolue.

Le bon moment pour commencer, c’est maintenant

Pas besoin d’un plan à toute épreuve pour bâtir une culture saine et très fonctionnelle. L’essentiel, c’est de vouloir faire le premier pas et de persévérer. La bonne santé mentale est indissociable du bon travail; c’est même celle-là qui rend celui-ci possible.

Les évolutions les plus durables commencent souvent par de petits gestes délibérés. Une patronne qui prend du temps pour son monde. Une équipe qui réfléchit à ce qui lui manque et qui apporte les ajustements nécessaires. Une conversation sur les processus de travail qui rapporte des gains d’efficacité. Autant de moments banals en apparence, mais qui envoient au personnel un même message : vous comptez.

La direction qui donne priorité à la santé mentale fait bien plus qu’accompagner des personnes. Elle ouvre la voie à l’excellence. La route du succès, c’est là qu’elle commence.

Points de vue